Nous avons été contactés par le cabinet Antak et Monsieur Jean-Pierre Leconte, architectes du Patrimoine, afin de réaliser une expertise monumentale de l’église Saint-Sauveur de Mareuil-sur-Lay-Dissais, dans le cadre d’un projet de restauration de l’édifice. Après concertation, il a été convenu que l’expertise porterait plus précisément sur le narthex de l’église, dont la complexité requérait une analyse du bâti spécifique.
L’intervention avait été initialement prévue le 18 mars 2020, en concertation avec le cabinet Antak et la commune de Mareuil-sur-Lay-Dissais, mais, compte tenu des mesures de confinement liées à l’épidémie de COVID-19, notre intervention in situ n’a pu avoir lieu que le lundi 11 mai 2020. Tous les gestes barrières préconisés dans le cadre de la lutte contre l’épidémie de COVID-19 ont été scrupuleusement respectés ainsi que toutes les précautions nécessaires pour réaliser cette intervention dès le premier jour de confinement (port du masque, lavage régulier des mains au gel hydro-alcoolique, distanciation avec les interlocuteurs). Nous nous étions accordés au préalable avec le cabinet Antak afin de nous assurer l’absence de co-activité lors de notre intervention.
L’église Saint-Sauveur de Mareuil-sur-Lay s’avère être un édifice particulièrement complexe. Traditionnellement, les éléments les plus anciens de la construction sont attribués aux XIe-XIIe siècles. L’église semble avoir connu plusieurs phases de restauration, notamment entre le XVe et le XVIIe siècles. Le bâtiment est incendié lors de la Révolution, avant de connaître plusieurs campagnes de restauration au XIXe siècle. Les principales phases de restauration s’échelonnent entre 1800 et 1830, 1855 et 1858, 1877 et 1894. Des travaux sont également réalisés dans les années 1960 (narthex) et 1970 (assainissement).
Sur le plan scientifique, le bâtiment a fait l’objet de deux diagnostics archéologiques préalables aux travaux de restauration. Le premier, concernant les abords extérieurs a eu lieu en 2016 ; il a permis de mettre en évidence la présence de plusieurs sépultures et d’analyser la structuration des fondations de l’église et de son narthex. Le second a eu lieu en 2018 et avait pour objectif d’établir un diagnostic archéologique à l’intérieur de l’édifice et en particulier dans sa nef ; là encore, la fouille archéologique a mis en évidence la présence assez dense de sépultures. En parallèle, le cabinet Géraldine Fray a procédé à des sondages en recherche de polychromie sur les parois du narthex, qui se sont avérés positifs et ont permis de déceler la présence d’une litre funéraire. Hélène Gruau, spécialiste de la restauration d’œuvres sculptées, a réalisé une étude diagnostic sur les chapiteaux romans en pierre calcaire présents dans le narthex.

Les archéologues ayant réalisé les diagnostics archéologiques avaient déjà proposé une première lecture du bâti. Il s’agissait pour nous de compléter et de préciser ces premières observations afin de vérifier l’homogénéité du narthex et sa probable construction en une seule fois.
L’étude monumentale que nous avons menée a permis de mettre en évidence que le narthex de l’église Saint-Sauveur de Mareuil-sur-Lay-Dissais présente toutes les caractéristiques d’un ensemble architectural assez homogène dans sa structure, en comparaison de la nef du bâtiment, mais dont les éléments les plus anciens sont fortement masqués par les multiples reprises et réparations de relativement faible ampleur (à l’exception de la façade occidentale) réalisées au cours des siècles. Néanmoins, les anomalies que nous avons pu mettre en évidence dans les élévations et dans la conception des corniches surmontant les arcs des faces nord et sud à l’intérieur du narthex laissent supposer une reprise du narthex dans sa partie orientale, à la jonction entre le narthex et la nef. Compte tenu de la grande similitude architecturale des éléments du narthex, on peut toutefois supposer que cette reprise a été réalisée relativement peu de temps après la construction du narthex.

La reprise de la façade occidentale au XIXe siècle ne semble pas avoir entraîné la destruction totale de la façade antérieure : les arcs sont encore clairement harpés à la maçonnerie visible sous l’enduit du XIXe siècle. Les travaux du XIXe siècle ont donc surtout consisté dans le percement d’une porte et dans la réinterprétation de l’ornementation de la façade occidentale. Compte tenu de ces observations, sur un plan strictement archéologique, il pourrait s’avérer intéresser de déposer complètement les enduits de restauration du XIXe siècle masquant la face interne occidentale du narthex, afin de pouvoir observer d’éventuelles traces de maçonneries antérieures (porte, etc.), probablement romanes vus les liens stratigraphiques avec les arcades du narthex, et peut-être aussi pour comprendre l’organisation des accès à cet espace stratégique et son évolution au cours du temps. De la même manière, la dépose de l’enduit très grossier et datant probablement du XIXe siècle masquant la voûte de couvrement du narthex serait souhaitable pour pouvoir observer les vestiges antérieurs et comprendre l’articulation exacte entre le volume du rez-de-chaussée du narthex et la salle haute.
Il faut souligner que la présence de la litre funéraire en partie haute du narthex, ainsi que l’existence d’une salle haute avec hagioscope donnant sur le chœur évoque clairement un oratoire seigneurial. Celui-ci aurait pu être mis en place dans le courant de l’époque moderne et implique une évolution des usages dévolus au narthex. L’évolution de ces usages est d’ailleurs peut-être à mettre en corrélation avec une modification des circulations au sein de l’église au cours du temps : lors de sa construction aux XIe-XIIe siècles, le narthex assure son fonction première de lieu de passage et de transition entre l’extérieur profane et l’intérieur sacré. Par la suite, dans le courant de l’époque moderne, l’accès occidental a pu être limité, au profit d’un accès par le sud de l’église, pour ménager des circulations propres à desservir l’oratoire seigneurial installé dans la salle haute. Enfin, à partir du XIXe siècle, les restaurateurs de l’église confère à nouveau au narthex sa vocation première de lieu de passage et d’accès à la nef.
L’ensemble des observations contenues dans le présent rapport impliquent que le narthex est très probablement l’élément le plus ancien de l’église Saint-Sauveur de Mareuil-sur-Lay-Dissais. L’étude monumentale en est particulièrement complexe car, contrairement à la nef, il n’a pas fait l’objet de grandes campagnes de reconstruction. La lecture que l’on peut en avoir est donc brouillée par de multiples travaux de réparation et d’entretien qu’il est difficile de comprendre dans le détail. Malgré tout, les observations qu’il a été possible de mener dans le cadre de la présente expertise confirment, s’il en était besoin, son caractère ancien, exceptionnel et structurant pour l’édifice dans son ensemble.