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Dynamiques paysagères et environnementales autour de l’étang l’abbaye de Paimpont (Morbihan) et de la Tourbière du Pâtis Vert, du Moyen Âge à nos jours

L’étude documentaire souhaitée par le Département de l’Ille-et-Vilaine s’inscrit dans une démarche globale de connaissance des usages historiques sur les milieux naturels, afin de pouvoir orienter les objectifs et actions de gestion en conséquence sur les espaces naturels que sont l’étang et les tourbières de l’Abbaye et du Pâtis Vert. Le service Patrimoine Naturel souhaitait ainsi bénéficier d’une approche historique, afin de l’intégrer dans cette démarche.

Après avoir analysé et confronté les sources qui nous permettent de comprendre les dynamiques paysagères à l’œuvre aux abords de l’Étang de l’Abbaye depuis la fin du Moyen Âge, il est possible de dire qu’un axe nord-sud semble se dessiner au cours du temps. Cet axe, qui coupe l’étang en deux parties à peu près égales, délimite deux domaines bien distincts : à l’est, la présence de l’abbaye a entraîné l’installation d’une clairière culturale, où se déploient des pratiques agricoles typiques de l’Occident depuis le Haut Moyen Âge au moins (polyculture vivrière, élevages). Avec les transformations du XIXe siècle, on voit progressivement se mettre en place et se fixer l’agglomération qui constitue aujourd’hui le bourg de Paimpont. À l’ouest de cet axe, en revanche, les parcelles sont depuis plusieurs siècles occupées par des bois et des landes. L’absence d’installation d’habitation dans ces espaces et leur fréquentation moindre par l’homme, doit vraisemblablement expliquer la plus grande concentration d’espèces végétales à enjeux de conservation108 (doc. 18). Ainsi, la proportion de 30 à 50 % de couvert forestier dans le paysage paimpontais que mettent en évidence Jean-Charles Oillic et Aurélie Reinbold pour l’époque moderne, semble tout à fait valable encore aujourd’hui pour les abords de l’Étang de l’Abbaye : la moitié ouest est couverte de bois tandis que la moitié est offre un paysage plus ouvert et anthropisé.

Les usages semblent relativement stables depuis la fin du Moyen Âge : l’agriculture et la sylviculture occupent encore une place non négligeable dans le paysage. Avec l’avènement du tourisme, aux usages utilitaires et économiques de l’étang (forges, pêche, moulins) ont succédé des usages touristiques et ludiques (canoë, sentier pédestre).

Les principales modifications paysagères interviennent après la Période Révolutionnaire : la densification urbaine permise par la suppression de l’abbaye et la dislocation de son patrimoine immobilier et foncier amènent la création d’un centre urbain dans le courant du XXe siècle. Si les pratiques agricoles semblent s’inscrire globalement dans le temps long, certaines modifications peuvent avoir un impact durable sur la biodiversité. Ainsi, le développement de pins spontanés dans la tourbière à l’ouest de l’Étang de l’Abbaye, entraînant un assèchement du milieu, s’explique en fait par l’introduction des pins au début du XIXe siècle, dans l’objectif de faire reculer la lande, notamment celle immédiatement au nord de l’étang, et donc diminuer les espaces où pouvaient s’exercer les droits traditionnels liés à la fauche des bruyères et autres végétaux à litière par les habitants de la forêt. Ce faisant, les Paimpontais désinvestissent progressivement la forêt et succombent aux contraintes que les propriétaires des Forges ont su faire peser sur les droits d’usages forestiers traditionnels. Ceux-ci disparaissent progressivement dès la fin du XIXe siècle.

La présence spirituelle (abbaye, Grotte Notre-Dame) est, quant à elle, toujours significative, malgré les fortes évolutions en matière de pratique religieuse depuis le XIXe siècle. Dans la seconde moitié du XXe siècle, l’attractivité touristique de Paimpont se renforce et tire avantageusement parti, d’ailleurs, de ses racines spirituelles, où le néo-druidisme et l’imaginaire arthurien ont désormais largement supplanté les pèlerinages chrétiens.

Une fondation romane en Morbihan : la chapelle Sainte-Croix de Josselin

Au printemps et à l’été 2022, nous avons réalisé, à la demande de la municipalité de Josselin et sur la sollicitation du cabinet Devernay Architectes, une étude sur la chapelle Sainte-Croix de Josselin. Grâce à l’analyse des sources écrites et à l’observation du bâti encore en élévation, on peut établir le phasage de la chapelle Sainte-Croix, autrefois église priorale et paroissiale, en 5 temps :

  • Les vestiges romans conservés (essentiellement la partie nord-occidentale de la nef) peuvent tout à fait correspondre au XIe siècle et peuvent être regardés comme des éléments présents dès la première construction de l’édifice. Il ne faut pas exclure la possibilité de reprises de l’édifice au XIIe siècle. En l’absence de sources documentaire, seule une étude approfondie d’archéologie du bâti permettrait, à ce stade, d’avoir une vision plus fine du phasage du Moyen Âge central.
  • À la fin du Moyen Âge, peut-être en raison de l’état de dégradation du bâtiment et d’une déperdition de population dans la paroisse Sainte-Croix (peu défendue car hors-les-murs), l’église Sainte-Croix semble avoir été amputée de son chœur et de son transept roman, simplement remplacés par un chevet plat érigé au niveau de l’arc diaphragme séparant autrefois la nef du chœur. C’est aussi l’occasion d’une reprise de la charpente, qui est à nouveau changée au XVIe siècle, sur les trois quarts occidentaux de la nef. C’est à cette période que l’église semble devenir paroissiale en plus de priorale, correspondant donc à une modification importante des usages affectés à l’édifice. Il s’agit également de la sortie de la Guerre de Cent Ans, période de destruction qui a motivé de nombreuses reconstructions aux XVe-XVIe siècles notamment.
  • Il faut ensuite attendre le XVIIIe siècle pour que l’église change à nouveau de visage. En 1736, le pignon occidental est refait et l’année 1761 est marquée par d’importants travaux, notamment au niveau de la tour, de la chapelle latérale Saint-Mathurin et par l’installation d’un pavage couvrant l’ensemble de l’espace intérieur de l’église.
  • Les millésimes du XIXe siècle attestent de divers travaux d’entretien, a priori relativement localisés, mais sur lesquels les sources d’archives sont peu loquaces.

Enfin, en 1944, une partie du mur nord, entre le chœur et la tour, est entièrement reconstruite et assise sur une semelle en béton armée afin d’éviter tout nouveau désordre architectonique à cet endroit.

Chapelle Saint-Laurent de Lannourec, à Goulien (29)

Nous avons été contactés en juin 2021 par le cabinet Devernay Architectes afin de réaliser une recherche documentaire sur la chapelle Saint-Laurent de Lannourec, en Goulien (Finistère), qui devait faire l’objet de travaux de restauration ultérieurs. S’agissant  de ce type d’édifice de culte secondaire, les recherches sont à mener en séries G et V des Archives départementales. Les informations ainsi retrouvées ont été avantageusement complétées par les archives communales de Goulien et le dossier de protection au titre des Monuments Historiques concernant la chapelle, conservé au Service Départemental de l’Architecture et du Patrimoine du Finistère. Ces données bibliographiques et d’archives ont été mises en parallèle d’une analyse monumentale réalisée sur le terrain.

L’objectif de cette démarche était de déterminer les principales phases de l’évolution architecturale du bâtiment et de les circonscrire dans le temps. Les données recueillies permettent également de comprendre l’importance de la chapelle Saint-Laurent de Lannourec dans la construction du territoire à l’échelle de la paroisse puis commune de Goulien.

Car, si aujourd’hui la chapelle de Lannourec se présente comme un édifice de culte secondaire, relativement isolé, comme il en existe de nombreux autres en Bretagne, plusieurs indices documentaires laissent présager qu’il n’en a pas toujours été ainsi et que ce bâtiment a pu, à une période ancienne et malheureusement non renseignée par les textes, faire office d’église conventuelle ou paroissiale. Cette idée est soutenue par la présence d’une maison presbytérale à Lannourec à la  fin du XVIe siècle et incite à émettre l’hypothèse que ce village ait pu être, sans doute dès le milieu du Moyen Âge au moins, un ancien pôle paroissial qui aurait progressivement fusionné avec Goulien. Les textes montrent aussi que le village était plus importants au cours de l’époque moderne (peut-être l’était-il encore plus au Moyen Âge ?) et qu’à la chapelle faisait écho d’anciens bâtiments seigneuriaux aujourd’hui disparus. Tous ces éléments plaident en faveur du rôle structurant du village de Lannourec au Moyen Âge et au début de l’époque moderne.

Aujourd’hui, la chapelle Saint-Laurent de Lannourec est un édifice d’autant plus remarquable qu’elle semble avoir fait l’objet de relativement peu de transformations au cours du temps. Ainsi, après sa (re)construction aux environs du XVe siècle,  le bâtiment ne connaît qu’une transformation majeure, qui est l’adjonction de la sacristie, au nord du chœur, dans le second tiers du XVIIe siècle vraisemblablement. Il ne faut pas exclure l’idée que la construction de la chapelle ait pu prendre plusieurs décennies, en raison notamment du contexte de la Guerre de Cent Ans, qui a pu ralentir les travaux. Ceci pourrait d’ailleurs expliquer pourquoi des caractères architecturaux des XIVe-XVe siècles côtoient des éléments davantage attribuables au début du XVIe siècle. Le reste de son histoire semble relativement paisible et rythmé par des travaux d’entretien réguliers. La documentation du XIXe et du XXe siècle, relativement précise et bien conservée, n’évoque que des travaux d’entretien, ce qui conforte également l’idée d’homogénéité de l’ensemble.

La fortification carolingienne du Corboulo (Saint-Aignan, Morbihan)

Dans son état actuel, le site du Corboulo se présente sous la forme d’une fortification fossoyé associant deux espaces distincts : au nord se développe une enceinte formant un L d’environ 40 m par 50 m, défendue par de puissants talus conservés sur environ 4 m de hauteur et des fossés. Au sud de l’enceinte se trouve une motte de forme quadrangulaire conservée sur 5 à 7 m de hauteur. La circonférence à la base du tertre est d’environ 25 à 30 m, tandis qu’à son sommet, la plateforme à un côté de 10 m. L’ensemble est bien conservé, si ce n’est la partie sud de l’enceinte, qui semble avoir été arasée à des fins agricoles (mise en culture de l’intérieur de l’enceinte).

Cet ensemble remarquable a été inscrit à l’Inventaire Supplémentaire des Monuments Historiques par arrêté en date du 28 novembre 1995, avec une série d’autres sites du même type, mais il fait l’objet de l’attention des érudits depuis le début du XIXe siècle. Bien que pour ce dernier le caractère castral du site du Corboulo ne fasse aucun doute, l’érudit Paul Aveneau de la Grancière, qui initie des fouilles archéologiques sur le site en 1902, pense fouiller un tumulus. Déçu par sa trouvaille médiévale, le compte-rendu qu’il fait de sa fouille, qui confirme d’ailleurs des interventions antérieures déjà évoquées par François-Marie Cayot-Délandre, tient en quelques lignes dans l’un des Bulletin de la Société Polymathique du Morbihan de 1902 : « On l’a fouillé, assure-t-on, et on y a trouvé des maçonneries en grand appareil. Les recherches que nous y avons faites nous-mêmes nous ont fait reconnaître également les fondations importantes qui prouvent surabondamment qu’elles servaient de base à un donjon remontant au Moyen Âge. Les quelques débris de poteries, les cendres, les charbons, les déchets de cuisine recueillis en témoignent ».

Les traditions orales prêtent de nombreuses origines au site du Corboulo. On l’a vu avec François-Marie Cayot-Délandre, le site est parfois attribué aux Templiers (les « moines rouges »), or aucun document conservé dans le fond du Grand Prieuré d’Aquitaine (dont dépendait les commanderies bretonnes), ne permet d’accorder quelque crédit à cette tradition. Pour Paul Aveneau de la Grancière, le site était un tumulus et cette tradition subsiste encore aujourd’hui dans une frange de la population ayant connaissance de l’existence du site du Corboulo. Pour d’autres, l’ensemble est le vestige d’une ancienne mine d’or gauloise. S’il est vrai que le Blavet est faiblement aurifère, il n’en est pas moins vrai qu’aucune mine d’or n’est connue pour le Corboulo. Enfin, le toponyme traditionnel de Motten Morvan conféré au site est souvent associé, par un certain nombre de locaux, à la résidence du roi breton Morvan, dont la présence est attestée en Centre Bretagne au début du IXe siècle. Il est difficile de corroborer cette hypothèse de travail à l’heure actuelle, même si une partie des données archéologiques recueillies va dans le sens d’un fonctionnement du site au cours de la période carolingienne. Par ailleurs, François-Marie Cayot-Délandre récuse toutefois cette assertion en affirmant que le Morvan du toponyme n’était en fait que le patronyme d’anciens propriétaires de la motte.

À l’issue de cette première campagne de fouilles archéologiques programmée sur le site fortifié du Corboulo, il apparaît nécessaire de reconsidérer les datations et les interprétations habituellement retenues.

Les données issues de la fouille montrent que le site était originellement une enceinte défendue par un fossé et deux talus, dont l’un au moins était probablement maçonné. L’ensemble a visiblement été érigé entre la fin du VIIIe et le début du IXe siècle. Le rare mobilier archéologique découvert dans le secteur 3 laisse supposer une occupation aristocratique d’assez haut niveau.

Photogrammétrie du sondage réalisé dans le fossé de l’enceinte carolingienne. Celle-ci était protégée par un double talus avec un fossé. Les blocs dans le fond du fossé correspondent sans doute à une ancienne maçonnerie de confortement du sommet du talus (réal. V. Leman et C. Le Guédard, 2020).

Motten Morvan semble avoir ensuite été restructuré vers l’An Mil, avec l’érection d’une motte. Il demeure toutefois difficile, à ce stade des recherches, de comprendre les raisons de la réutilisation du site et de préciser l’impact de la réoccupation sur les vestiges carolingiens. La réoccupation des Xe-XIe siècles semble avoir été très ténue, en dehors de l’installation de la motte, qui change profondément le faciès de la fortification. Le site du Corboulo apparaît ainsi bien plus complexe qu’il n’était attendu de prime abord et, en tout état de cause, l’archéologie révèle une histoire très différente de celle véhiculée par les traditions orales, par les érudits et même par les chercheurs plus récents. Malgré ces avancées, nous sommes actuellement loin d’avoir compris le fonctionnement du site, et en particulier l’organisation des circulations, au cours des 2 phases identifiées à ce jour.

Alignement de trous de poteaux et d’une tranchée de sablière basse, témoignant de la présence d’un ancien édifice carolingien en bois à cet endroit (cliché : V. Leman, 2020).

Rapport complet, disponible ICI.

N’hésitez pas à nous contacter si vous aussi vous souhaitez réaliser des recherches archéologiques sur votre site / bâtiment ancien !

Le narthex roman de l’église Saint-Sauveur de Mareuil-sur-Lay-Dissais (Vendée)

Nous avons été contactés par le cabinet Antak et Monsieur Jean-Pierre Leconte, architectes du Patrimoine, afin de réaliser une expertise monumentale de l’église Saint-Sauveur de Mareuil-sur-Lay-Dissais, dans le cadre d’un projet de restauration de l’édifice. Après concertation, il a été convenu que l’expertise porterait plus précisément sur le narthex de l’église, dont la complexité requérait une analyse du bâti spécifique.

L’intervention avait été initialement prévue le 18 mars 2020, en concertation avec le cabinet Antak et la commune de Mareuil-sur-Lay-Dissais, mais, compte tenu des mesures de confinement liées à l’épidémie de COVID-19, notre intervention in situ n’a pu avoir lieu que le lundi 11 mai 2020. Tous les gestes barrières préconisés dans le cadre de la lutte contre l’épidémie de COVID-19 ont été scrupuleusement respectés ainsi que toutes les précautions nécessaires pour réaliser cette intervention dès le premier jour de confinement (port du masque, lavage régulier des mains au gel hydro-alcoolique, distanciation avec les interlocuteurs). Nous nous étions accordés au préalable avec le cabinet Antak afin de nous assurer l’absence de co-activité lors de notre intervention.

L’église Saint-Sauveur de Mareuil-sur-Lay s’avère être un édifice particulièrement complexe. Traditionnellement, les éléments les plus anciens de la construction sont attribués aux XIe-XIIe siècles. L’église semble avoir connu plusieurs phases de restauration, notamment entre le XVe et le XVIIe siècles. Le bâtiment est incendié lors de la Révolution, avant de connaître plusieurs campagnes de restauration au XIXe siècle. Les principales phases de restauration s’échelonnent entre 1800 et 1830, 1855 et 1858, 1877 et 1894. Des travaux sont également réalisés dans les années 1960 (narthex) et 1970 (assainissement).

Sur le plan scientifique, le bâtiment a fait l’objet de deux diagnostics archéologiques préalables aux travaux de restauration. Le premier, concernant les abords extérieurs a eu lieu en 2016 ; il a permis de mettre en évidence la présence de plusieurs sépultures et d’analyser la structuration des fondations de l’église et de son narthex. Le second a eu lieu en 2018 et avait pour objectif d’établir un diagnostic archéologique à l’intérieur de l’édifice et en particulier dans sa nef ; là encore, la fouille archéologique a mis en évidence la présence assez dense de sépultures. En parallèle, le cabinet Géraldine Fray a procédé à des sondages en recherche de polychromie sur les parois du narthex, qui se sont avérés positifs et ont permis de déceler la présence d’une litre funéraire. Hélène Gruau, spécialiste de la restauration d’œuvres sculptées, a réalisé une étude diagnostic sur les chapiteaux romans en pierre calcaire présents dans le narthex.

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Vestiges de la litre funéraire courant sur la voûte de couvrement du narthex (V. Leman, mai 2020)

Les archéologues ayant réalisé les diagnostics archéologiques avaient déjà proposé une première lecture du bâti. Il s’agissait pour nous de compléter et de préciser ces premières observations afin de vérifier l’homogénéité du narthex et sa probable construction en une seule fois.

L’étude monumentale que nous avons menée a permis de mettre en évidence que le narthex de l’église Saint-Sauveur de Mareuil-sur-Lay-Dissais présente toutes les caractéristiques d’un ensemble architectural assez homogène dans sa structure, en comparaison de la nef du bâtiment, mais dont les éléments les plus anciens sont fortement masqués par les multiples reprises et réparations de relativement faible ampleur (à l’exception de la façade occidentale) réalisées au cours des siècles. Néanmoins, les anomalies que nous avons pu mettre en évidence dans les élévations et dans la conception des corniches surmontant les arcs des faces nord et sud à l’intérieur du narthex laissent supposer une reprise du narthex dans sa partie orientale, à la jonction entre le narthex et la nef. Compte tenu de la grande similitude architecturale des éléments du narthex, on peut toutefois supposer que cette reprise a été réalisée relativement peu de temps après la construction du narthex.

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V. Leman, mai 2020

La reprise de la façade occidentale au XIXe siècle ne semble pas avoir entraîné la destruction totale de la façade antérieure : les arcs sont encore clairement harpés à la maçonnerie visible sous l’enduit du XIXe siècle. Les travaux du XIXe siècle ont donc surtout consisté dans le percement d’une porte et dans la réinterprétation de l’ornementation de la façade occidentale. Compte tenu de ces observations, sur un plan strictement archéologique, il pourrait s’avérer intéresser de déposer complètement les enduits de restauration du XIXe siècle masquant la face interne occidentale du narthex, afin de pouvoir observer d’éventuelles traces de maçonneries antérieures (porte, etc.), probablement romanes vus les liens stratigraphiques avec les arcades du narthex, et peut-être aussi pour comprendre l’organisation des accès à cet espace stratégique et son évolution au cours du temps. De la même manière, la dépose de l’enduit très grossier et datant probablement du XIXe siècle masquant la voûte de couvrement du narthex serait souhaitable pour pouvoir observer les vestiges antérieurs et comprendre l’articulation exacte entre le volume du rez-de-chaussée du narthex et la salle haute.

Il faut souligner que la présence de la litre funéraire en partie haute du narthex, ainsi que l’existence d’une salle haute avec hagioscope donnant sur le chœur évoque clairement un oratoire seigneurial. Celui-ci aurait pu être mis en place dans le courant de l’époque moderne et implique une évolution des usages dévolus au narthex. L’évolution de ces usages est d’ailleurs peut-être à mettre en corrélation avec une modification des circulations au sein de l’église au cours du temps : lors de sa construction aux XIe-XIIe siècles, le narthex assure son fonction première de lieu de passage et de transition entre l’extérieur profane et l’intérieur sacré. Par la suite, dans le courant de l’époque moderne, l’accès occidental a pu être limité, au profit d’un accès par le sud de l’église, pour ménager des circulations propres à desservir l’oratoire seigneurial installé dans la salle haute. Enfin, à partir du XIXe siècle, les restaurateurs de l’église confère à nouveau au narthex sa vocation première de lieu de passage et d’accès à la nef.

L’ensemble des observations contenues dans le présent rapport impliquent que le narthex est très probablement l’élément le plus ancien de l’église Saint-Sauveur de Mareuil-sur-Lay-Dissais. L’étude monumentale en est particulièrement complexe car, contrairement à la nef, il n’a pas fait l’objet de grandes campagnes de  reconstruction. La lecture que l’on peut en avoir est donc brouillée par de multiples travaux de réparation et d’entretien qu’il est difficile de comprendre dans le détail. Malgré tout, les observations qu’il a été possible de mener dans le cadre de la présente expertise confirment, s’il en était besoin, son caractère ancien, exceptionnel et structurant pour l’édifice dans son ensemble.

Guémené-sur-Scorff (Morbihan). Étude du fonds des Rohan-Guémené conservé aux Archives départementales du Morbihan

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Dépouillement en cours du fonds des Rohan-Guémené, Archives départementales du Morbihan (Avril 2019)

Nous avons été contactés en novembre 2018 par l’association Kastell Kozh, domiciliée à Guémené-sur-Scorff. L’association avait pour projet de procéder à la numération des documents d’archives disponibles aux Archives départementales du Morbihan, concernant la ville de Guémené-sur-Scorff, et en particulier le fonds des Rohan-Guémené (série E). Ayant, dans un premier temps, pris contact avec les Archives, l’association a été informée des lourdes contraintes techniques et de coût représenté par une numérisation systématique de ce fonds, ne comprenant pas moins de 209 cartons, soit potentiellement plusieurs dizaines de milliers voire quelques centaines de milliers de pages de document à numériser. Face à ce constat, l’association Kastell Kozh a pris contact avec notre Cabinet d’Études Historiques pour :

  1. Réaliser un dépouillement sélectif et un inventaire photographique de la documentation intéressante, notamment à des fins de mise en valeur du patrimoine guémenois ;
  2. Procéder aux transcriptions des documents les plus anciens et les plus intéressants, à même d’être réutilisés rapidement à des fins de mise en valeur du patrimoine.

Au total, ce sont 122 cotes potentielles que nous avons repérées. Parmi celles-ci, 73 (60%) sont des cotes non inventoriées dans l’instrument de recherche proposé par les Archives départementales du Morbihan et dont le contenu nous est donc totalement inconnu. 36 cotes ont été dépouillées et numérisées (29%) ; elle constituent la matière du présent rapport. Enfin, 13 cotes (11%) sont inventoriées mais n’ont pu faire l’objet d’un dépouillement dans les délais impartis ; il s’agit essentiellement de cartons regroupant des données sur la paroisse de Locmalo dont fait partie Guémené (E 5372 à E 5381 notamment). Parmi les 36 cotes numérisées, 16 ont été transcrites partiellement ou entièrement (44% des cotes numérisées). Cet ensemble représente à lui seul 5 098 clichés. La plupart des photographies concerne une unique page de document, mais d’autres clichés couvrent deux pages ; on peut ainsi estimer à environ 7 000 le nombre de pages de documents couvertes par cette étude.

Les documents disponibles dans la série B sont essentiellement des inventaires après décès du XVIIIe siècle. Ceux-ci offrent plusieurs apports : tout d’abord, l’inventaire est la transposition écrite du cadre de vie matériel de celui ou celle qu’il concerne ; par ailleurs, les greffiers suivent une progression logique dans l’habitation, en localisant les objets qu’ils inventorient, ce qui permet de se faire une idée précise de l’organisation de la demeure.

Bien qu’elle représente le fonds le plus conséquent, une grande partie de la documentation contenue en série E n’est pas inventoriée. Les liasses balisées le sont par ailleurs souvent très succinctement. Leur contenu est très disparate mais concerne, d’une manière générale, la gestion de l’ensemble de la principauté de Guémené.

En série J est conservé un ensemble de notes prises par les divers membres de la famille Galles, imprimeurs à Vannes au XIXe siècle (sous-série 2 J) sur des documents, dont les originaux ne sont parfois pas parvenus jusqu’à nous, intéressants la principauté et la seigneurie de Guémené, ainsi que des données généalogiques sur les Rohan-Guémené.

 

Les recherches documentaires menées au sein des Archives départementales du Morbihan permettent de considérablement renouveler nos connaissances sur l’espace urbain guémenois et la culture matérielle de ses habitants, entre le XVe et le XVIIIe siècle. Les textes permettent de compléter corriger certaines approximations concernant en particulier le château, les moulins, l’auditoire et les halles, commises depuis le XIXe siècle. Soulignons toutefois que la vocation première de ces recherches était la numérisation et la transcription du plus grand nombre d’actes possibles intéressant Guémené-sur-Scorff pour ensuite mettre la documentation rassemblée à la disposition des étudiants, des érudits et des chercheurs.

En adoptant la démarche exemplaire de vouloir recenser, collecter et mettre à la disposition de tous une matière historique et archéologique la plus exhaustive possible sur l’espace urbain guémenois, l’association Kastell Kozh prépare l’évolution de la vision du tourisme à Guémené-sur-Scorff vers ce que les professionnels du secteur touristique appellent déjà le « tourisme 4.0 ». Dans cette conception de l’offre touristique, il s’agit de proposer au public un ensemble de lieux et de produits culturels parmi lesquels le public lui-même choisira celui ou ceux qui l’intéresse et constituera ainsi son propre programme, par opposition aux visites guidées traditionnelles. Ce tourisme « à la carte » suppose de développer une connaissance fine et précise de l’ensemble des éléments culturels et patrimoniaux d’un territoire afin que chacun puisse y puiser les informations qui l’intéresse. La mise en œuvre du tourisme patrimonial 4.0 implique donc de multiplier les recherches et les études aboutissant à cette connaissance permettant de développer les produits touristiques. En ce sens, on peut dire que l’association Kastell Kozh est donc à la pointe du marketing touristique, en préparant dès aujourd’hui le terrain pour développer les produits touristiques de demain.

Au-delà de l’offre touristique, ce sont aussi des actions de médiation inédites qui sont à envisager, en particulier auprès des guémenois. Les données historiques nourriront par ailleurs les études techniques (études préliminaires à des restaurations d’édifices anciens, etc.).

Découvrez ici le : Rapport Guémené !

À la Une

Deux chapelles classées Monuments Historiques à Plouvien (29) : Saint-Jaoua et Saint-Jean-Balanant

Nous avons été contactés au printemps 2018 par Monsieur Candio, du cabinet Candio-Lesage, architectes du Patrimoine, en vue de répondre à un appel d’offre de la commune de Plouvien concernant un projet architectural et de valorisation autour des chapelles Saint-Jaoua et Saint-Jean-Balanant, situées sur le territoire de la commune. L’appel d’offre mettait clairement en évidence la nécessité de mener une investigation approfondie dans les fonds d’archives disponibles, afin de retracer l’histoire des lieux le plus précisément possible. Il fut convenu que l’ensemble de la documentation écrite et iconographique recueillie ferait l’objet d’une synthèse mettant en perspective l’histoire des édifices, appuyé sur un travail de recherche bibliographique mené en parallèle des recherches en archives.

Sur le plan méthodologique, le riche passé des chapelles Saint-Jean-Balanant et Saint-Jaoua justifiait tout à fait une recherche approfondie en archives, afin de préciser au mieux l’histoire des deux monuments et notamment les évolutions des édifices au cours du temps (mise en place du complexe cultuel, réparations, agrandissements, destructions,…). La mise en synergie des données d’archives et des observations architecturales menées sur le terrain permettront d’orienter les projets architecturaux et urbanistiques afin de préserver au mieux l’authenticité et l’historicité des deux chapelles. Étudier en synergie ces deux chapelles constituait par ailleurs une démarche exemplaire puisque ces édifices de culte, dit « secondaires », sont souvent considérés comme des éléments isolés ; dans le cas présent, mener une étude commune sur les chapelles Saint-Jean-Balanant et Saint-Jaoua a permis de mettre en évidence les pratiques dévotionnelles à l’échelle de la paroisse et donc de mieux mettre en valeur l’insertion des deux bâtiments dans le paysage local.

Ces deux chapelles, et d’une manière plus générale la commune de Plouvien, avaient déjà attiré l’attention des érudits dès la fin du XIXe siècle. En 1888, J.L. Le Guen produisit un article pour la Société Archéologique du Finistère où il cherchait à mettre en évidence les origines de la paroisse. Celui-ci ne cite, malheureusement, que très rarement les sources sur lesquelles il appuie son propos. Cependant, la précision des informations avancées nous incite à le considérer comme relativement fiable. Il est d’ailleurs repris (parfois mot à mot) par le chanoine Pèrennes dans la monographie  qu’il publie en 1942, qui n’est finalement rien de plus qu’un regeste du précédent. Louis Le Guennec, autre érudit du début du XXe siècle, qui a une production d’articles et d’ouvrages très abondante, a également collecté un certain nombre d’informations sur la commune de Plouvien. Il a laissé aux Archives départementales du Finistère un fonds assez important constitué de notes de travail. D’assez nombreux documents concernant Plouvien se retrouvent sous la cote 34 J 60. Là encore, les informations, qui semblent précises et fiables, ne sont pas systématiquement référencées, empêchant ainsi tout travail de vérification. Enfin, concernant plus spécifiquement le cas de la chapelle Saint-Jean-Balanant, nous nous sommes appuyés sur les travaux d’Amédée Guillotin de Corson qui produisit plusieurs articles et ouvrages sur les Templiers et les Hospitaliers en Bretagne. Ses travaux ont le mérite d’être très documentés et beaucoup mieux référencés que les travaux précédemment cités. Il s’appuie en particulier sur la documentation disponible dans les fonds d’archives départementaux bretons ainsi que de la Vienne. À l’issue de ces observations, force est de constater que les connaissances actuelles sur les chapelles Saint-Jaoua et Saint-Jean-Balanant sont surtout issues de quelques érudits ayant produit des ouvrages au XIXe et au début du XXe siècle et dont les travaux ont systématiquement été repris sans réel travail de critique ni de remise en perspective. Il est dès lors apparu nécessaire de procéder à une collecte des sources primaires (documents anciens) afin de préciser, vérifier et parfois contredire les écrits de ces mêmes érudits et donc de requestionner l’état actuel de nos connaissances.

Le volume de documentation ancienne disponible s’est avéré relativement important, surtout en comparaison des documents habituellement disponibles pour ce genre d’édifices, pour lesquels on ne dispose bien souvent, outre les vestiges encore en élévation, que de quelques maigres indices dispersés dans la documentation seigneuriale. Dans son état actuel, nous avons pu montrer que la chapelle Saint-Jaoua est très probablement le fruit de plusieurs phases de construction s’étalant entre le courant du XVe et la première moitié du XVIe siècle. Au XVIIe siècle, le complexe cultuel se dote de plusieurs éléments complémentaires : si l’enclos cémétérial existait sans doute auparavant, l’entrée côté bourg est monumentalisée par l’édification de 4 piliers massifs, une sacristie est ajoutée au nord du chœur et un monument est construit pour mettre en évidence la source à proximité et facilité le culte à ses abords. Pourtant, et bien qu’architecturalement la chapelle actuelle renvoie à la fin du Moyen Âge, un faisceau d’indices toponymiques et parcellaires laisse envisager l’existence d’un établissement religieux dans ces parages dès les premiers siècles du Moyen Âge, en lien avec l’hagiographie de Saint-Jaoua. Si aucun texte ne nous a permis de corroborer l’assertion selon laquelle cette chapelle serait l’ancienne église paroissiale, au vu des éléments d’archives recueillis, cette hypothèse fait sens et n’est donc aucunement à exclure.

Si l’ordre des Hospitaliers de Saint-Jean-de-Jérusalem a pour vocation d’ouvrir et d’entretenir des hôpitaux destinés, notamment, aux soins des pèlerins, il apparaît que le « membre » de Saint-Jean-Balanant, contrairement à l’affirmation d’Henri Pérennes qui indique qu’un hôpital y était annexé, était en réalité un établissement rural, destiné à engranger des revenus par les prélèvements seigneuriaux, mais n’était pas associé à un hôpital. Un texte de 1656 décrit ainsi l’établissement : « Plus, en la parroisse de Plouvien, evesché de Léon sur les confins de la basse Bretagne, à deux lieues de la ville de Lesneven, est un petit membre apellé Saint Jean de Belanen, dépendant La Feillée, consistant en bastimant, terres, prez, moulin et privilège des impostz et billotz ». Ce membre dépend directement de la commanderie de la Feuillée, à la différence des commanderies de Quimper, Le Croisty, le Loc’h, Plouaret, Plélo, Le Palacret et Pont-Melvez qui, si elles sont rattachées à La Feuillée, semble avoir une certaine autonomie dans leur gestion seigneuriale. Il s’agit donc avant tout d’une exploitation agricole, rattachée à l’ordre de Saint-Jean-de-Jérusalem, mais sans vocation hospitalière, ou en tout cas plus suite à la reconstruction des édifices dans le courant du XVe siècle. Le relatif abandon de la chapelle par les hospitaliers dans le courant du XVIIIe siècle peut éventuellement s’expliquer par les contestations de prééminence à l’initiative des seigneurs de Penmarc’h, comme le suggère le procès-verbal de la visite du 28 juin 1758.

Au total, l’étude simultanée de ces deux chapelles a permis de mieux cerner la vie dévotionnelle mais aussi sociale de la paroisse et des habitants de Plouvien depuis la fin du Moyen Âge.

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La chapelle Notre-Dame de Lourdes (Auray, Morbihan) : un reflet de la piété du XIXe siècle

Contactés à l’automne 2017 par l’Association Diocésaine de Vannes, nous avons réalisé une recherche documentaire dans les fonds d’archives permettant de documenter l’histoire de la chapelle Notre-Dame de Lourdes, située près de l’ancien port de Saint-Goustan, à Auray, en vue de travaux et d’une mise en valeur de l’édifice.

En raison de son caractère récent, la chapelle Notre-Dame de Lourdes a peu attiré les attentions jusqu’à la fin du XXe siècle. La documentation la concernant, qu’elle soit écrite ou iconographique, est très faible : elle est essentiellement constituée par les archives paroissiales, la documentation communale, ainsi que quelques cartes postales anciennes. Les clichés anciens contenus aux Archives départementales du Morbihan montrent volontiers la pittoresque Rue du Petit Port, avec ses maisons à pan de bois de la fin du Moyen Âge et du début de l’époque moderne, mais aucun ne permet de distinguer, ne serait-ce qu’en arrière-plan, la chapelle qui nous intéresse.

Qui plus est, les documents concernant la construction de la chapelle en elle-même semblent avoir été assez disparates. Le rédacteur (inconnu) d’un répertoire des biens de la paroisse (probablement au début du XXe siècle) indique avoir quelques documents concernant les « ouvrages et fournitures » de construction, mais pas de compte global. Il s’interroge également sur l’acquisition des terrains par le recteur d’alors.

 

Il fut rapidement établi que les recherches seraient à mener aux Archives départementales du Morbihan (80 Rue des Vénètes, CS 52405, 56010 Vannes), les archives paroissiales ayant été versées aux Archives départementales du Morbihan en 1997 ; notre travail a donc eu lieu exclusivement au sein de ces locaux. Les archives paroissiales d’Auray y sont conservées dans la sous-série 30 J 7. En raison du caractère à la fois cultuel et récent de l’édifice, nous avions bon espoir de trouver des informations dans la série V, consacrée aux Cultes. Cependant, il nous est rapidement apparu qu’aucun document concernant directement la chapelle qui nous intéressait n’y était conservé. Du reste, on n’y trouve que quelques documents à propos de la Fabrique d’Auray, mais aucun concernant la Fabrique de Saint-Goustan. Il nous a paru également intéressant de retracer l’histoire foncière des parcelles où s’est établie la chapelle. Ce type de recherches est tout à fait possible pour le XIXe siècle grâce aux plans, état de sections et matrices du cadastre dit « napoléonien » (sous-série 3 P des Archives départementales du Morbihan) ainsi qu’aux actes notariés mis au jour au cours des recherches et se révèle intéressant pour comprendre les mécanismes fonciers qui sous-tendent les réalisations architecturales de cette époque. Enfin, nous avons pu retrouver un article concernant la bénédiction de la chapelle par l’évêque de Vannes en 1879  dans le périodique La Semaine religieuse du diocèse de Vannes.

Les conclusions que l’on peut tirer de ces investigations permettent de mettre en évidence que la construction de la chapelle Notre-Dame de Lourdes a lieu à partir de l’hiver 1874-1875 et se poursuit sans doute jusqu’en 1878 (millésime des vitraux) ou 1879 (la bénédiction par l’évêque ayant lieu en novembre 1879). Par la suite, l’édifice n’a connu que des travaux très limités dans un but d’entretien. On ne constate pas de réparations conséquentes. Ceci est en partie dû au fait que le bâtiment ne semble pas subir de perturbation majeure, au contraire de l’église paroissiale, victime d’un incendie en 1886. Cependant, des désordres structurels, visiblement encore d’actualité, sont constatés dès les années 1930 au moins. L’intérêt majeur de la chapelle Notre-Dame de Lourdes, sur le plan architectural, réside dans le fait qu’elle ne semble avoir subi aucune modification au cours du temps, qu’il s’agisse des structures autant que du mobilier qui la garnie. En ce sens, elle offre un exemple parfaitement préservée des édifices de culte construits dans la seconde moitié du XIXe siècle, dans un style néogothique, où l’on perçoit les influences locales (clocher finistérien) autant que les tentatives d’imitation de la Basilique Supérieure de Lourdes (pour l’ordonnancement de la façade d’accueil), créant ainsi un édifice au caractère très particulier, voire unique.

Sur le plan historique, la chapelle Notre-Dame de Lourdes est l’illustration du formidable essor du pèlerinage de Lourdes et de ses nombreux avatars locaux. Le phénomène de concentration foncière autour de l’église Saint-Sauveur, à moins d’une dizaine de mètres de la chapelle, est également un élément significatif de la place de l’Église dans la société du XIXe siècle et des stratégies urbaines y afférant.

 

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Façade sud de la chapelle Notre-Dame de Lourdes à Auray / Saint-Goustan. État en juin 2018.

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Une fontaine ducale au cœur du parc de Suscinio du Moyen Âge à nos jours : la Fontaine de la Duchesse, à Bodérin en Sarzeau (Morbihan)

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Nous avons été contactés en juin 2017 par la commune de Sarzeau qui souhaitait s’intéresser à la Fontaine de la Duchesse dans le cadre d’un projet de mise en valeur de cet élément du « petit patrimoine » communal. Le toponyme de la fontaine, particulièrement évocateur, invitait à mener une recherche en archives pour en apprendre plus quant à l’histoire de la structure et à son insertion dans le domaine du château de Suscinio. Ce dernier, classé par Prosper Mérimée en 1840, est particulièrement bien connu des castellologues, qui ont pris conscience de l’intérêt de ce dernier dès le début du XXe siècle. Dans le sillage de la mise en place des premiers chantiers de fouilles archéologiques portant sur la période médiévale, Patrick André et Michel Clément initient la fouille « de sauvetage » de la chapelle, sans doute priorale, puis castrale se trouvant  sur le flanc sud du château. Sept campagnes se succèdent ainsi entre 1975 et 1982. Si le château devient un cas d’école dans la plupart des ouvrages de castellologie, il faut attendre le début des années 2000 pour qu’émerge à nouveau le besoin de conforter la connaissance architecturale de l’édifice par des investigations archéologiques. Un premier sondage est mené en 2004, pour vérifier le potentiel du logis ouest, et les observations faites à cette occasion sont confortées en 2011. Un premier programme de recherche triennal est finalement lancé de 2013 et 2015 et les chantiers de fouilles archéologiques continuent encore aujourd’hui.

Les sources concernant des éléments patrimoniaux aussi discrets que les fontaines demeurent particulièrement ténues. Ceci est d’autant plus vrai que les fontaines se trouvent souvent sur des terrains publics qui ne font pas l’objet de mutation et pour lesquels on ne peut donc pas trouver de description dans d’éventuels actes notariés. Par ailleurs, la localisation de la Fontaine de la Duchesse au milieu de terrains agricoles complexifie encore la donne. Face à ce constat, il a fallu compulser un grand nombre de documents issus de la gestion du domaine de Rhuis (série B des Archives départementales de la Loire-Atlantique) pour trouver des indications indirectes de la fontaine, celle-ci servant alors, dans les quelques cas repérés, de bornage pour des parcelles cédées en tenure. Cette approche, si elle confirme l’ancienneté de la Fontaine de la Duchesse, ne permet pas, en revanche, d’en connaître l’aspect ancien. Les premiers documents iconographiques qui nous la représentent ne sont pas antérieurs au milieu du XXe siècle et aucune solution n’a pu être apportée à ce problème malgré la consultation d’un grand nombre de plan représentant le château de Suscinio, ses environs et la presqu’île de Rhuys d’une manière générale.

La fontaine de la duchesse est, telle qu’elle se présente aujourd’hui, le fruit de nombreuses transformations. Les photographies des années 1950 et 1970 montrent que l’édifice était alors associé à un lavoir et à un rinçoir qui sont aujourd’hui presque totalement enfouis sous la terre et la végétation. Les trois bassins rectangulaires que l’on observe en avant de la fontaine ont été installés à une date postérieure que l’examen des délibérations communales ou les témoignages des anciens habitants de Bodérin permettrait peut-être de préciser. L’édicule triangulaire évoque plutôt l’époque moderne voire le XIXe siècle, alors que les fontaines médiévales semblent, le plus souvent, se présenter sous la forme de simples bassins quadrangulaires ou de bassins circulaires pourvus d’une colonne jaillissante centrale plus ou moins ornementée. En l’état, et sans étude archéologique poussée des maçonneries des divers éléments hydrauliques souterrains, il est impossible d’avancer une datation avec certitude, même si de nombreux indices, que nous avons pu mettre en évidence, concordent vers l’idée d’une transformation conséquente de la structure au XIXe siècle, suivie de nombreuses transformations au XXe siècle.

Les liens entre la Fontaine de la Duchesse et le château de Suscinio sont évidents et attestés par les documentations comptables et cartographiques anciennes, tel que l’étude à permis de le mettre en évidence. Il n’est, dès lors, pas impossible d’imaginer que cette fontaine ait pu être un lieu de plaisance pour les ducs de Bretagne à la fin du Moyen Âge, à l’image de ce que furent par exemple les fontaines du château d’Hesdin (aujourd’hui commune de Vieil-Hesdin, Pas-de-Calais), pour les ducs de Bourgogne, qui aimaient à y aller « pique-niquer » à la même époque. Par ailleurs, un célèbre tableau évoque le « Jardin d’Amour de Philippe Le Bon » à Hesdin, qui n’est pas sans rappeler le « Coet L’Amour » (francisé en Bois d’Amour sur le cadastre du XIXe siècle) voisin du château de Suscinio ; transcription toponymique vraisemblable de la culture courtoise qu’affectionnaient particulièrement les aristocrates de ce temps. La résidence ducale et ses abords, par la recomposition du réel mettant en valeur la personne du prince, peuvent être vus comme un microcosme centré sur le duc, alors montré comme dominant l’espace, le temps, les hommes, les animaux, les végétaux et les ressources de toute nature. Le duc ou son épouse sont ainsi, en quelque sorte, placés en position de démiurges de la portion du monde qui dépend d’eux. Et il apparaît désormais vraisemblable de croire que la Fontaine de la Duchesse ait pu participer de cette mise en scène du pouvoir.

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L’église romane de Noyal-Muzillac (Morbihan)

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Le cabinet d’architecture ANTAK (Nantes) a fait appel à nous au printemps 2017 pour réaliser une étude documentaire et une expertise archéologique du bâti sur l’église paroissiale Saint-Martin de Noyal-Muzillac (Morbihan), édifice sur lequel était prévu des travaux de rénovation.

Les objectifs fixés pour cette étude étaient :

  • Réaliser un inventaire et une étude de la documentation iconographique et planimétrique ancienne (cartes anciennes, plans cadastraux, photographies et cartes postales anciennes pouvant documenter l’évolution du bâtiment, plans d’architectes) ;
  • Procéder à une étude documentaire concernant l’historique du bâtiment, et en particulier ses transformations au cours du temps, depuis le Moyen Âge jusqu’à l’époque contemporaine ;
  • Étudier la documentation seigneuriale disponible, afin de mettre en évidence les outils de gestion domaniale, etc. et comprendre l’environnement sociopolitique dans lequel s’insère le bâtiment à la fin du Moyen Âge et pendant l’époque moderne.

Il avait également été prévu que l’expertise du bâti soit relativement succincte et il a donc s’agit de réaliser des observations in situ et un inventaire photographique des élévations, et en particulier des anomalies de construction permettant d’argumenter un phasage de l’église.

 

À Noyal-Muzillac, de nombreux indices plaident pour une origine très ancienne du peuplement, qu’il s’agisse de la topographie, qui évoque un éperon barré que l’on voudrait associer aux vestiges protohistoriques et antiques observés non loin du bourg, ou le caractère atypique de l’église, qui pourrait suggérer la présence antérieure d’édifices cultuels que le monument roman est venu masquer. Après la période romane, l’édifice connaît d’importantes reprises datables du XVe et du début du XVIe siècle. Un incendie au milieu du XVIIe siècle implique de nombreuses modifications autour du clocher. Puis la nef est entièrement reconstruite au XIXe siècle, suite à un effondrement, avant d’être raccourcie, pour les besoins de la voirie, dans la seconde moitié du XXe siècle.

Sur le plan seigneurial, il est intéressant de noter la contemporanéité de l’apparition du lignage des Muzillac, vicaires de la paroisse au XIIIe siècle, dans les sources écrites et la date possible d’érection de l’église : il faut envisager que la construction de l’édifice ait pu se faire sous l’égide de cette famille, qui aurait ainsi témoigné de son souhait de matérialiser les nouveaux cadres sociaux qui émergent et se développent à cette époque. Tout tend à prouver que la famille de Muzillac, protecteurs de la paroisse, subit progressivement l’expansionnisme ducal, qui devient rival sur ce secteur en plaçant une famille châtelaine à Penmur et asseyant ainsi son influence sur des territoires autrefois maîtrisés par les Muzillac.